Été 1998. Campagne. Cassandre a 14 ans. Dans le petit manoir familial, ses parents et son frère aîné remarquent que son corps a changé. Heureusement, Cassandre est passionnée de cheval et intègre pour les vacances, un petit centre équestre où elle se fait adopter comme un animal étrange. Elle y découvre une autre normalité qui l'extrait petit-à-petit d'un corps familial qui l'engloutit…
sorti le 02/04/2025
Pour son premier long métrage, la réalisatrice Hélène Merlin s’inspire de sa propre adolescence difficile pour livrer une autofiction tout en subtilité dans son récit, servi par une mise en scène inventive. À l’été 1998, Cassandre, une jeune fille de 14 ans, rentre pour les vacances dans le petit manoir familial à la campagne. Ses parents et son frère aîné remarquent que son corps a changé et le lui font comprendre chacun à leur manière. Heureusement, elle est passionnée de cheval et intègre pour les vacances, un petit centre équestre où elle se fait adopter comme un animal étrange.
Écrit durant ses études à la Fémis, le scénario d’Hélène Merlin ne tombe jamais dans le pathos et fait au contraire preuve de recul sur ses propres traumatismes. Ses thématiques troublantes sont parfaitement incarnées par les personnages ambigus, autant dans l’écriture que dans l’interprétation. Les trois membres encore présents de la famille de la protagoniste livrent des performances glaçantes au détour de scènes invraisemblables pourtant bien inspirées de faits réels. En opposition à la rigidité du père (Éric Ruf), la décomplexion du corps de la mère (Zabou Breitman) et à la perversité mal placée du frère (Florian Lesieur), le moniteur d’équitation (Guillaume Gioux) offre un cadre apaisant à la protagoniste. Campée par la jeune et talentueuse Billie Blain, qui s’était fait remarquée dans Le Règne Animal et dans le court métrage Ce qui appartient à César, la protagoniste incarne l’ambivalence d’une situation impensable imposée par les membres de sa propre famille.
Cadrant en majorité ses personnages au sein des décors, la réalisatrice se sert parfois d’un simple panoramique pour isoler l’un d’eux, notamment dans les scènes en voiture. De cette mise en scène maîtrisée, deux gimmicks marquent par leur originalité. D’une part, pour retranscrire l’état de choc de sa protagoniste, la réalisatrice augmente de manière significative le flou de mouvement en diminuant la vitesse d’obturation de la caméra. Ainsi, au lieu d’un simple effet de ralenti très commun, l’image semble traîner à l’instar de son héroïne qui ne perçoit plus bien la réalité. D’autre part, pour illustrer les fantasmes, la caméra bascule sur le côté pour filmer le couple s’enlaçant dans un cadre débullé et accompagne ce mouvement par la formation de flares courbés sur les bords du cadre. Cette représentation esthétique du fantasme permet de comprendre immédiatement l’aspect imaginaire de la projection d’une manière originale.
Portée par des cordes frottées, un canon entre un et une choristes, ainsi que des basses profondes, la bande originale de Delphine Malaussena sublime le film et en particulier les moments introspectifs avec la marionnette. Cette métaphore tissée tout au long du métrage prend la forme de séquences, suffisamment rares pour ne pas être lassantes, mais surtout magnifiquement éclairées dans lesquelles les mouvements de la marionnette retranscrivent la lutte de la réalisatrice cachée derrière la peau de Cassandre.
Gwendal Ollivier